Le travail photographique avec les élèves.
Le moins qu’on puisse dire c’est que le paradoxe a été au centre de cette belle aventure photographique avec les élèves de quatre classes de sections économique et sociale et d’économie et gestion. Premier paradoxe, le thème : traiter en images photographiques la confiance et la défiance en lien avec l’économie. Sujet extrêmement complexe pour quiconque, encore plus pour des adolescents « défiants » par la nature même de leur classe d’âge. Paradoxe du sujet traité dans des lycées situés dans des quartiers de périphérie , au cœur même des environnements touchés par les ricochets de la crise économique.Paradoxe enfin d’un travail photographique avec des classes de 35 élèves ,un temps d’intervention et de réalisation bref , des prises de vue dans l’environnement restreint autour des lycées , avec peu d’appareils photographiques à disposition.En collaboration avec les professeurs des deux établissements, ce paradoxe multiforme a été créateur comme peut l’être un accouchement après un « travail » laborieux de tous les protagonistes.Des photographies sont nées, les élèves les ont habillées avec délicatesse et fierté de leurs commentaires écrits. Malgré les contraintes de réalisation et la difficulté théorique du sujet, les élèves se sont cimentés pour donner naissance à des images photographiques. Certaines sont plutôt symboliques et traitent le sujet sur le plan général, d’autres sont plus en lien avec le contexte de l’économie.Pour des néophytes en sémiologie de l’image, leur production est d’autant plus appréciable qu’elle est le fruit d’un travail en groupe.Ensemble, avec peu de moyens techniques, en faisant trésor d’une brève formation en photographie dispensée sur place, ils ont su faire preuve d’une intelligence collective sachant trouver et donner du sens aux prises de vue autour du thème proposé.Immergés dans leur monde d’adolescents , souvent noyé dans les enjeux économiques dont ils sont les objets sans forcément le savoir, ils ont su profiter de cette expérience et devenir sujets ,acteurs, créateurs d’images photographiques dont ils sont fiers . La gestion des différents paradoxes les a épuisés par moment, mais ils ont su les dépasser, aller outre la difficulté, aller plus loin dans leurs imaginaires, trouver du sens et des liens entre la confiance et la défiance, trouver des liens entre leur monde, leur réalité et l’économie.Une difficulté supplémentaire les a mobilisés : renoncer à ses clichés personnels pour choisir ensemble, sur les 120 réalisées, 20 photographies seulement destinées à l’exposition et à l’édition d’un livre sur l’ensemble de la manifestation prévue par la Cité de l’économie. Encore et toujours dans mon travail de photographe humaniste et social, la photographie a été un support de réflexion et de rencontre.
Denis Lafontaine